Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 décembre 2008 6 27 /12 /décembre /2008 18:30

- Fin janvier 1983, le D.G. Le Bot, sentant que la CGC a besoin d'être dirigée d'une main ferme, propose à son adjoint le titre de Directeur Général de la CGC que celui-ci dirige de fait depuis 1981. F. Collas refuse de prendre cette responsabilité officiellement. Il donne pour raisons que les relations de la CGC avec ses sociétaires de Coop Quercy et de l'Union Blois sont désastreuses et que M. Le Bot entretenant des relations amicales avec leurs responsables, cette situation ne manquerait pas de le mettre dans une position intenable pour régler les problèmes entre eux et la CGC. M. Le Bot en l'assurant qu'il ne se mêlera pas du règlement des contentieux, lui demande de réfléchir à sa proposition.

- Le 05 mai, F. Collas envoie un courrier au D.G. pour l'informer qu'après le départ du directeur de Coop Quercy et son remplacement par monsieur Lannies, la situation redevient plus normale et que s'il accepte que les règles de la CGC soient appliquées avec rigueur à Cahors et à Blois, il pourrait accepter le poste proposé. Ils se rencontrent le 10 et 11 mai pour évaluer la situation. F. Collas me dit brièvement que Le Bot tergiverse pour protéger ses vieux amis de Coop Quercy qu'ils doivent rencontrer le 18 à Cahors.

La réunion du 18 à Cahors se passe mal. Le Bot est prêt à consentir des taux d'intervention de la CGC inférieurs à ceux du groupe conserves pour aider au redressement financier de Coop Quercy, ce qui semble impossible à F. Collas. Le dépôt de bilan lui parait inéluctable à court terme. De vouloir aider des amis lui semble louable, mais en économie il y a des règles qu'il ne faut pas transgresser. De mettre sous perfusion une entreprise à l'agonie, c'est perdre de l'argent et du temps en faisant preuve d'une faiblesse condamnable.

- Le 19 mai, nouvelle lettre, en recommandé, de F. Collas au DG, pour lui dire son désaccord sur l'aide que Le Bot souhaite accorder à Coop Quercy. Il ne veut pas cautionner des décisions contraires à ses principes et il veut éviter que P.Le Bot ne lui fasse porter la responsabilité de cette décision et ses conséquences. Il joint, à ce courrier recommandé, sa lettre du 05 mai pour lui rappeler sa position.

- Le 27 mai, en réponse au courrier de F.Collas monsieur M. Le Bot s'offusque de l'avoir reçu en recommandé et lui demande de préciser ses revendications de titres et de pouvoirs.

- Le jour même, réponse de F. Collas., par écrit, pour dire qu'il ne revendique rien, sinon la reconnaissance d'un état de fait. Si sa situation est un peu plus normalisée en Cecab, sa situation est toujours aussi ambiguë en CGC qu'il dirige officieusement avec des interférences continuelles préjudiciables à son fonctionnement. Il lui rappelle que plusieurs cadres du groupe se verraient très bien occuper ses fonctions, qu'il serait très heureux de les céder à plus compétent que lui.

A la suite de ces atermoiements, F. Collas est finalement nommé directeur général de la CGC en juillet 1983 à la place de M. Lazarus qui avait succédé à messieurs Giannezini, Mahiet chargé de mission, détaché de la Caisse Nationale, et Roos entre autres. J'ai entendu dire que monsieur Lazarus était content de quitter la CGC et son ambiance de travail éprouvante.

Pour avoir vécu près de F. Collas pendant des années, je peux dire avec certitude que s'il est entré en conflit ouvert avec M. Le Bot, à qui il reconnaissait beaucoup de qualités, c'est que vraiment la situation lui était devenue insupportable.

Il n'acceptait pas dans les entreprises qu'il dirigeait, que les postes, les fonctions de chacun, ne soient pas suffisamment bien définis pour permettre que les tâches soient accomplies avec le plus d'efficacité possible. Il laissait pourtant une grande souplesse dans les rapports entre ses adjoints pour permettre à chacun d'exprimer le meilleur de lui-même dans un cadre suffisamment strict pour éviter des rivalités, mais aussi, pas trop rigoureux pour que l'addition des attributions de chacun couvre entièrement toutes les tâches à accomplir sans laisser de vide. Il avait le souci constant du bien-être de ses employés. Aussitôt qu'il décelait des tiraillements, il en cherchait les causes et n'avait de cesse que lorsque la situation redevenait normale. Il nous disait souvent que la multiplication de petits disfonctionnements stérilisait certaines entreprises qui recherchaient vainement les causes de leur inefficacité. Il nous disait aussi qu'il fallait s'inquiéter lorsqu'une personne décidait de quitter l'entreprise avec ses connaissances, son expérience, sa part de la culture du groupe et qu'il fallait déterminer les raisons de son choix avec exactitude. Un départ n'est jamais anodin, c'est souvent un échec pour la personne et pour l'entreprise.

 

Un soir, après avoir travaillé avec lui sur un projet d'organisation, nous avions évoqué les problèmes du groupe. Ce qui n'était pas fréquent. Il avait conclu en me disant : « Ce qui manque aux "entrepreneurs" ce n'est, en général, ni l'intelligence, ni l'aptitude à réfléchir correctement, mais cette capacité à se jeter dans l'action sans trembler, avec une détermination telle qu'elle soit partagée. Si les gens, qui entourent le décideur, décèlent ses doutes, son manque de détermination, l'action deviendra retenue, molle, informe, pour ne plus être ressentie que velléitaire par les exécutants de base, pour finalement ne donner aucun résultat ».

Ses conceptions de l'entreprise expliquent en partie pourquoi il n'avait plus supporté le flou de sa position dans le groupe, alors qu'il était persuadé de pouvoir rétablir la situation de la C.G.C. et celle de la Cecab à la condition d'en avoir le pouvoir.

 

Les relations Le Bot - Collas sont pour le moins très fraîches, pendant toute cette période de changement de pouvoir, quoique d'apparence cordiale et le resteront jusqu'au départ à la retraite de P. Le Bot.  F. Collas acceptera pourtant que M. Le Bot garde son titre de président de la CGC à la condition qu'il soit simplement honorifique. Il n'est pas rancunier. Le Bot jouera le jeu et ne se mêlera jamais des affaires. Si j'étais méchant, j'ajouterais qu'il savait que F. Collas avait le pouvoir de lui enlever ce titre qui lui rapportait quelques jetons de présence et lui payait ses déplacements.

 

- M. Le Crom est immédiatement recruté par monsieur Collas pour être le Directeur commercial de la CGC. C'est un bon commercial bien formé, pointilleux, travailleur, très respectueux de la hiérarchie, il fait tout son possible pour réaliser les directives de F. Collas, à la lettre, ce qui ne lui est pas demandé. F. Collas le souhaiterait plus autonome, plus imaginatif, moins courtois, moins soumis.  Le Crom le craint, il le sent, ça le gêne.  De quoi a t-il peur? De perdre une place à laquelle il n'espérait pas accéder? Se sent-il dépassé par les objectifs ambitieux qui lui sont fixés? A t-il peur comme beaucoup de Français, sans trop savoir pourquoi? F. Collas me dit, très sérieusement, qu'il n'aime pas ce climat de tension qu'il essaie de modifier en rencontrant Le Crom plus souvent, de façon plus décontractée, plus détendue. Je suis sceptique quant au résultat. Calme et détendu, alors que son exigence est de tous les instants pour lui-même et pour les autres? Soupe au lait, on se demande toujours quand elle va déborder.

 

- Transfert de l'administration de la CGC à Theix avec l'aide de Mme Guillon, M. Régner, M.Wiart et M. Amed. L'aide de ces personnes sera déterminante pour que l'opération se déroute sans heurts.

Principales fonctions de la CGC: M. Le Crom: Dr Commercial, M. Wiard: Dr Budjets, M. Y.Régner: Dr Administration commerciale, Mme Guillon: Dr des services généraux et des relations extérieures, M. Arnoux: Dr Marketing, M. Le Théo: Dr commercial d'Aucy France, Mrs Roumanex et Bogaert: Marques Maingourd et Legal, M. Fresson: Export, M. Hertling: Grona, M. Le Bayon: Remplissage, M. Ripault: Qualité.

 

- F. Collas décide de laisser les services commerciaux et marketing à Paris, ou plus exactement, il les transfère depuis la rue Saint Honoré à Montrouge en bordure du périphérique. L'épisode de la rue Saint Honoré est clos. C'est une mesure transitoire, il veut que l'administration se mette bien en place à Theix avant d'y ramener les commerciaux. Il pourra ainsi prendre le temps de les évaluer et de ne transférer que les meilleurs, en ne faisant rien pour convaincre les moins bons de venir s'installer en Bretagne.

 

- Mise en place du GIE Promo Plants de pommes de terre, avec la Cecab, St yvi, Coopagri, Le Gouessant. Cette opération est montée par monsieur Le Roux pour éviter une concurrence entre bretons, diminuer les charges et essayer d'être efficace. Je n'ai jamais assisté à l'une de leurs réunions mais je doute de leurs effets.

 

- M. Le Garrec est remplacé par M. Guénolé Alix, pour gérer les affaires sur le plan juridique et fiscal et M. Matricon sur le plan financier, avec M. Poilevet. A lui de prendre ses distances avec Matricon.  M. Alix deviendra au fil des ans le conseiller très écouté, plus qu'il ne le pense, du D.G.

Quand F. Collas est arrivé au siège du groupe, monsieur Alix est déjà là. Il est l'adjoint de monsieur Le Garrec censé s'occuper de la partie juridique. Cette personne survole également la partie financière, se mêle des investissements en participations et des achats extérieurs pour lesquels elle monte les dossiers juridiques et financiers. De petite taille, très intelligent, disait-on, mais toujours sous pression, fébrile,  brouillon, il fait un peu tout, souvent dans la hâte, sans réflexion suffisante, à contresens, à contretemps. La direction ne semblait pas s'en émouvoir, habituée à agir de même. Ses responsabilités ou celles qu'il s'attribue, excédent ses compétences. Ses idées aventureuses, auxquelles il imprime une accélération telle qu'elles doivent lui donner le vertige, ne manqueraient pas d'entraîner le groupe vers une catastrophe.  F. Collas. lui demande d'aller poursuivre ses aventures ailleurs. Ce qu'il fera avec des fortunes diverses dans la promotion immobilière, je crois.

 

La période des aventures s'achève. Les méthodes rigoureuses et le savoir-faire industriel sont appliqués dans tout le groupe Cecab-UFM-CGC. La CGC, qui est une carte maîtresse, vient de nouveau de frôler la catastrophe et aurait pu entraîner tout le groupe vers un destin imprévisible.

Un travail de fond est planifié, pour les années à venir, pour informatiser rationnellement le groupe avec Mrs Martin et J.P. Jaunasse dans un premier temps. M. Martin passera rapidement au contrôle de gestion et sera remplacé par M. Jaunasse qui devient le directeur et le seul responsable du développement informatique de toutes les sociétés du groupe. Il saura s'adjoindre une équipe de haut niveau pour résoudre leurs problèmes d'informatisation dans de bonnes conditions, ce qui ne sera pas le cas dans la plupart des entreprises dans les années 80- 90.

 

- Le 28 novembre 1983, la CGC passe un accord avec la conserverie Oued El Makhazine à Larache, Maroc, représentée par M. Mohamed Krimi, qui en est l'actionnaire majoritaire, pour l'approvisionnement en haricots verts classiques de la Compagnie Générale de Conserves . En effet, les haricots verts classiques, à filets, cueillis à la main, sont en voie de disparition en France. Leur prix de revient est trop élevé, la main d'oeuvre française est trop chère ou introuvable pour la cueillette, de plus la concurrence des nouvelles variétés, dites mangetouts, cueillies mécaniquement donc d'un prix de revient moins élevé, est insupportable. Pourtant les amateurs de ce produit, même cher, existent. Les conserveurs français, en particulier D'Aucy et Bonduelle vont en produire en Afrique, au Kenya, au Maroc ou à Madagascar, à des prix acceptables pour le marché français. Ces opérations seront toujours malaisées dans des pays lointains ou la formation et la culture sont très différentes des nôtres. La constance de la qualité n'est pas une notion habituelle dans ces pays. Il y a toujours de bons motifs pour trouver des explications aux défauts de fabrication. Ces fabrications africaines cesseront avec l'arrivée de nouvelles semences hybrides de haricots extra fins, homogènes, sans fils, récoltables mécaniquement et d'un bon rapport pour l'agriculteur et le conserveur.

Nous avions de bonnes relations avec les Marocains de Larache et leur président. Pourtant, il ne fallait pas toujours croire en l'exactitude de leurs dires et de leurs promesses. F. Collas qui avait travaillé au Maroc dans une conserverie, près de Meknès, faisait preuve à leur égard d'une tolérance qui nous surprenait. Il nous disait que nous devions nous adapter en nous montrant fermes, mais qu'il ne fallait pas compter sur une rigueur absolue.

Un jour, nous nous sommes rendu à Larache. Nous n'avions que peu de temps. Mohamed Krimi est arrivé avec au moins une heure de retard à notre rendez-vous prévu de longue date. En l'attendant, nous avons visité l'atelier où, à notre surprise, il ne se fabriquait pas de haricots mais des anchois. Fabrication intéressante certes, mais qui n'était pas le but de notre voyage. Arrive enfin le président, embrassade, démonstration d'amitié, F. Collas lui demande enfin pourquoi il ne travaille pas de haricots. Il nous raconte une sombre histoire de vannes d'irrigation mal fermées qui avaient empêché de faire la cueillette la veille au soir, « Mais tu as vu les anchois? C'est pas beau ça? J'en vends au États Unis, ils sont très contents, mon ami, toi, tu ne serais pas intéressé pour le marché français? ». Nous n'avons jamais su s'il ne s'était pas approvisionné en haricots pour nous montrer ses anchois ou si véritablement il y avait eu un problème d'irrigation. Que faire, que dire? Nous avions besoin de ses fabrications. Pour se faire pardonner, peut-être, il a tenu à nous faire visiter la chambre d'agriculture régionale dont il était administrateur. Il nous emmène dans sa voiture, une magnifique Mercedes rutilante. Nous voilà partis. Après avoir roulé quelques kilomètres sur une route bitumée, il donne un ordre au chauffeur qui vire dans un chemin de terre. De chaque côté, des champs irrigués. A certains endroits les seguias avaient laissé échapper de l'eau. Nous avons roulé ainsi plusieurs kilomètres noyés dans l'eau boueuse qui giclait dans le soleil de chaque coté de la voiture en gerbes rouge et or, d'un très bel effet. Nous sommes arrivés devant la chambre d'agriculture heureux de ne pas être restés plantés dans une mare de boue et Mohamed Krimi fier de nous avoir fait prendre un raccourci. La voiture était méconnaissable, recouverte d'une couche de terre rouge, visqueuse.  Nous visitons, surtout son magnifique bureau, car le reste ne présente guère d'intérêt et nous redescendons dans la cour après avoir dégusté un thé marocain excellent. La voiture est là, rutilante, aussi propre qu'au départ. Krimi dit quelques mots au chauffeur qui appelle un gars ficelé dans des vêtements informes et mouillés. M.Krimi lui donne quelques pièces, l'autre le remercie en lui baisant la main. Voyant notre étonnement, il nous dit: « Tu vois, il faut que tout le monde vive, c'est comme dans l'usine, tu trouves qu'il y a trop de monde, si moi je roule dans la Mercedes encore longtemps, il faut bien que les autres mangent ». Évident, non? Si parfois nous étions désarçonné par ses façons de penser, il est probable que nous devions aussi le surprendre et peut-être le choquer.

 

Je vais maintenant vous donner un résumé de l'assemblée générale du groupe qui se tient, en juin 1984, pour rapporter les résultats de cette année 1983.

- ABCD a traité près de 750 millions d'œufs dans sa casserie de Ploërmel cette année et commercialisé 240 millions d'œufs dont 4% à l'exportation. Le groupement de producteurs Cecab a fourni environ 25% des besoins d'ABCD.

 

      
M. Fresnel déguste des produits d'ABCD avec ses collabotateurs.



 - Le groupe conserves a commercialisé près de 200 000 tonnes demi brut en légumes, surgelés et aliments pour animaux de compagnie. Des résultats financiers satisfaisants permettent des investissements importants pour garder au groupe un bon niveau de productivité.

 

- Le GIE informatique est la société de service qui traite toute les prestations de service du groupe CECAB. Le GIE s'est doté depuis deux ans de 2 IBM 38, de 8 IBM 34 et de 4 ordinateurs IBM 5285. Chaque société dispose maintenant d'un matériel informatique autonome et performant. Les prestations du GIE sont facturées à chaque utilisateur avec une clé de répartition, ce qui ne manque pas de provoquer quelques chaudes discutions.

 

                - Le groupe emploie 1720 salariés en équivalent permanents pour un chiffre d'affaires de 2500 millions de francs. Ses résultats sont en nette amélioration, mais encore insuffisants.

Partager cet article
Repost0

commentaires