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27 décembre 2008 6 27 /12 /décembre /2008 20:00

-Cecagel devient Bretagne Surgel. (Dr M. Helgouarch). Là aussi M. Collas a tissé sa toile. Monsieur Helgouarc'h ne manque pas de l'informer de la vie de Cecagel et de ses résultats. Doué de finesse il sent l'autorité que représente l'UFM et son directeur.

 

-La CGC prend une participation de 34% dans la SA commerciale Wagner à Milan (I) qui distribue, entre autres produits alimentaires, des conserves appertisées en Italie. La SA Wagner s'occupera beaucoup plus de ses autres produits que de ceux de la CGC. Le marché italien restera un petit débouché, en effet, les Italiens ne sont pas de gros consommateurs de conserves de légumes, pas plus que les Espagnols pour qui la CGC a créé une agence commerciale à Madrid. Ces deux pays sont habitués aux légumes frais et le prix des conserves leur semble trop élevé. Le pouvoir d'achat de ces pays à cette époque, en particulier de l'Espagne, était loin de celui que ces pays connaissent aujourd'hui. L'Europe a donné un coup de fouet à certaines économies comme à celles du Portugal et de l'Espagne, d'autres ont moins su profiter des aides de l'Europe, engluées dans une idéologie socialiste, comme la Grèce et l'Italie.


- L'UFM achète la SA Maingourd à La Chapelle St Mesmin (Loiret). Le directeur général en est J.Roumanex, allié à la famille Maingourd par sa mère et petit actionnaire de la société. Il le restera, sous les ordres de F. Collas, jusqu'en 1984, date à laquelle il deviendra chargé des achats extérieurs de la CGC, avec un contrat qu'il a très bien négocié. Il a pour directeur commercial monsieur Bogaert, ancien de chez Bonduelle.  F. Collas qui a travaillé comme chef d'usine chez Maingourd en 1968 et 1969 dans l'ancienne usine implantée presque au coeur de la ville d'Orléans a toujours gardé de bonnes relations avec celui qui avait été son patron pendant deux ans. Il a été sous les ordres directs de monsieur Gabrillon qui occupait les fonctions de directeur d'usine, personne très aimable mais sans envergure. Il occupait, lui aussi, ce poste en tant que membre de la famille. F. Collas n'a jamais eu de différent avec lui, mais celui-ci demandera sa mise à la retraite aussitôt l'achat réalisé, ce qui a été une sage décision pour tous. Son cousin monsieur M. Mény, responsable des investissements, en fera autant.

Cette usine est géographiquement bien placée au sud de la région parisienne, au milieu d'une région très riche et propice aux cultures légumières grâce à ses facilités d'irrigation indispensables pour la culture de certains légumes. Elle est d'un bon niveau technique.  Ses locaux sont récents, mais cette conserverie qui n'a que dix ans a été construite sur un terrain trop étroit, à l'image de son concepteur, monsieur M.Mény, actionnaire important par son épouse. L'usine est déjà un peu étouffée par de nouvelles constructions qui se sont implantées en limite de propriété. Des cadres et de bons employés y travaillent avec une longue expérience de la conservation des légumes. L'UFM va pouvoir rapidement y appliquer ses méthodes de gestion, sans trop de heurts, pour obtenir des résultats convenables.

En octobre, F. Collas prend la direction générale de la conserverie de Pont Aven. Le responsable en est monsieur Le Glouannec qui supporte avec difficulté d'avoir à rentrer dans le moule des autres conserveries du groupe où les règles de gestion sont strictes, avec tous les deux mois des réunions de directeurs d'usines pour faire le point comparatif des résultats de chacun. Les directeurs peuvent ainsi évaluer leurs performances devant le directeur général des conserveries, le directeur financier, le contrôleur de gestion et le responsable des investissements, monsieur Chauvineau, ce qui n'est pas toujours un exercice très plaisant pour certains. Ces réunions permettent pourtant d'améliorer rapidement les résultats, mais crée un climat de compétition que la majorité apprécie, mais que les moins performants redoutent, ce qui est le cas de monsieur Le Glouannec.

En 1980, dix ans après son arrivée dans le groupe, son usine d'origine va devenir majoritaire dans le capital de six autres usines dispersées aux quatre coins de la France. Trois en Bretagne, une dans l'Orléanais, une en Picardie et une au nord de la France. En effet, F. Collas est sur le point de conclure l'achat de la Sica de la Vallée de la Lys à Commines au nord de Lille. Le directeur, Monsieur Baert, un jeune, grand, robuste, intelligent et bien formé, dynamique, entretient de bonnes relations avec son personnel et fait tourner sa boutique avec rigueur. Commines n'étant pas à la porte de la Bretagne, il est indispensable que le directeur soit capable d'être autonome pour la gestion courante.

Cette usine ne fabrique que des légumes surgelés commercialisés par la Surgélation Alimentaire. C'est une usine performante par la qualité de son personnel, mais qui va devoir se moderniser rapidement. Sa situation géographique est parfaite pour la distribution de surgelés dans le nord de la France et dans toute l'Europe du nord et permettra au groupe de concurrencer efficacement les fabricants belges et le grand surgélateur et conservateur français, Bonduelle. Son groupement de producteurs de légumes, à cheval sur la frontière franco-belge, est dirigé par un homme compétent et très actif. Une partie des approvisionnements en légumes, en particulier les salsifis vient des zones de productions belges toutes proches. Cette proximité permet, en outre, de concurrencer les fabricants belges et de réguler le prix des apports. Les surgélateurs belges sont des concurrents redoutables qui ont compris que leur force reposait sur des fabrications de masse à coûts peu élevés, d'une qualité moyenne, sinon médiocre. La matière première est à leurs portes et les lois sociales leur permettent une très grande souplesse d'utilisation du personnel. Ils peuvent ainsi vendre à des prix très faibles aux centrales de distribution. Celles-ci sont très heureuses de trouver des surgelés en Belgique, même de qualité médiocre, pour tirer les prix des fabricants français vers le bas et gonfler leurs bénéfices ou se faire la guerre entre elles.

 

Quel travail de discussion, d'explication pour faire comprendre, de persuasion pour faire accepter à son conseil d'administration, à ses cadres, qu'il était vital, de voir grand, large, de sortir des frontières étroites d'un département, d'une région, alors que les membres du conseil étaient habitués à défendre des particularismes régionaux, à défendre leur clocher, leur coin de terre !

Il a fallu que F. Collas s'appuie sur ceux qui étaient capables, par leur intelligence, leur formation, leur analyse économique objective, d'outrepasser leurs vieux réflexes autonomistes et d'aider leur directeur à convaincre les plus pusillanimes pour qui tout ce qui se trouve hors de leur région est mal connu, donc dangereux.

Les arguments étaient nombreux en faveur d'un élargissement du groupe hors de ses frontières habituelles :

    - Diversification des zones d'approvisionnement des matières premières soumises aux aléas climatiques.

    - Rapprochement des zones de consommation, donc un approvisionnement à des coûts moins élevés des plates-formes de centrales d'achats.

    - Diversification des productions pour élargir une gamme nécessaire à une marque nationale.

    - Possibilité d'apprendre des techniques culturales, et l'organisation des grandes régions productrices du nord de la France et de la Belgique.

   - Régulation des prix d'achat des matières premières.

        F. Collas souhaite que le prix des matières premières soit fixé par un contrat national. En effet, en temps que directeur d'une entreprise à statut coopératif son premier rôle est d'assurer un débouché pour les productions de ses adhérents et que ces productions soient payées à un prix suffisamment rémunérateur pour qu'ils puissent vivre de leur travail. Laisser le marché libre alors que l'offre des agriculteurs est souvent plus forte que la demande, c'est assurément favoriser la chute des cours. Le résultat n'est bénéfique pour personne. En effet, l'agriculteur ne peut plus vivre de sa production, les conserveurs vont, certes, payer moins cher leurs apports, mais finalement à des prix peu différents les uns des autres. Leurs prix de revient vont légèrement diminuer, baisse qu'ils vont s'empresser de donner aux distributeurs par le jeu de la concurrence. Une part infime, en fin de chaîne, reviendra à l'acheteur du grand magasin. Je dois dire aussi que, pour un directeur de coopérative, il est plus aisé de respecter un contrat national que de discuter le prix des légumes avec ses adhérents, parfois administrateurs, ce qui ne peut qu'amener des frictions.

    - Dilution des risques de conflits sociaux, donc des dangers d'une interruption des livraisons de produits finis.  Le syndicat CFDT essaiera de fédérer, sans succès, les syndicats des différentes usines.

    - Augmentation du poids de l'UFM dans la CECAB et de son influence.

Ces arguments n'intéressaient pas directement certains des producteurs régionaux. Eux voulaient avoir l'assurance de pouvoir cultiver, autant qu'ils le souhaitaient, les produits les plus rentables, quand il leur paraissait intéressant de les cultiver, au prix le plus élevé possible.

Leur réflexion était basée sur l'individualisme. Ils craignaient qu'un élargissement du groupe les empêche d'augmenter leurs productions et que d'autres, des agriculteurs d'autres régions, profitent du dynamisme du groupe et de ses augmentations de programme. Puis, comme l'a écrit J. Monnet: « Les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise »

Leurs craintes n'étaient pas exprimées ouvertement, clairement. S'ils considéraient en tant que producteurs que les motivations du directeur, donc du groupe n'étaient pas les leurs, toutefois, ils les acceptaient en reprenant leur casquette d'administrateurs.

Ils étaient tiraillés entre leur intérêt particulier et leur responsabilité d'administrateur, "conseillers pour le bien commun", que F. Collas ne manquait pas de rappeler sans y mettre trop les formes et certains jours, pas assez.

Il est assez surprenant, pour ne pas dire cocasse, de voir le directeur rappeler parfois à ceux mandatés pour le faire, que l'intérêt général devait passer avant des intérêts particuliers et que l'avenir du groupe avait des exigences peu compatibles avec leurs intérêts à cours terme.

Quant au long terme !! Je pense avec une certaine jubilation au jour où le successeur de F. Collas devra convaincre de la nécessité d'aller s'implanter dans les pays de l'est ou, au moins, d'y conclure des accords commerciaux. Je lui souhaite en pensée bien du courage. " La Pologne, La Russie, la Chine! Pourquoi pas la lune ou Mars ". J' imagine l'administrateur, venant d'un coin perdu du fin fond de la Bretagne, foudroyant du regard le nouveau directeur, le prenant pour un fou... Pourtant, je suis convaincu que certains sauront voir l'intérêt de ces nouvelles implantations et convaincre leurs collègues. Si la Bretagne a considérablement évolué, ses agriculteurs aussi.

Certains hommes ne sont que trop souvent des hommes du jour le jour. Ils sont comme la météo dont ils sont tributaires, leur visibilité n'excède pas quelques jours ou rarement plus.

 

L'UFM menait donc sa vie, en évitant de participer aux problèmes de la Cecab, mais, je laissais les uns où les autres m'en parler pour que je puisse informer brièvement F. Collas. De son côté, il rendait compte au directeur général, qui n'en demandait pas plus, du minimum sur la vie des usines et ses problèmes.

Pourtant il écrivait périodiquement au directeur général pour attirer, sans succès, son attention sur les problèmes commerciaux et l'organisation de la CGC et de la Cecab. La décision par Le Bot- Lapeyre de faire vendre les surgelés produits par le groupe conserves par trois circuits différents: Bretagne Surgel, Sica St Yves et la Surgélation Alimentaire, lui a fait envoyer un courrier très virulent de protestation montrant tout ce que cette décision avait d'irrationnel.

Dans ce même courrier, qu'il m'avait fait lire, il demandait le transfert du magasin CGC de St Etienne de Monluc à Locminé en joignant une étude chiffrée de l'économie ainsi réalisée. (01. 02. 1980)

En juillet, il enverra de nouveau une note au directeur général pour lui conseiller de transférer la CGC de Paris à Theix, au siège de la CECAB. Puis une autre en août, pour lui soumettre un schéma d'organisation des commerciaux de la branche surgelée. En septembre, il remet en cause le groupement de producteurs Cecab, laissant entendre que l'UFM pourrait avoir son propre groupement pour de meilleurs services à un coût moins élevé.

Ces courriers susciteront des explications à la limite de la courtoisie et du respect dus à un supérieur. Ces entretiens tranchent avec la considération dont il témoigne dans ses notes. Il lui faudra faire preuve de patience tout en menant un travail de sape pour faire avancer les choses. Sa pugnacité finira par emporter tous les obstacles à une organisation qu'il juge nécessaire pour que le groupe puisse obtenir de bons résultats.

Durant cette période, il a le sentiment que des réformes importantes doivent être engagées rapidement et qu'à Theix personne n'en ressent l'urgence, par méconnaissance des problèmes industriels et commerciaux, ce qui le met dans un état de tension permanente. J'en subis, nous, ses proches, en subissons les effets alors que nous partageons son point de vue.


Ce monde industriel rigoureux, où chacun connaissait parfaitement ses fonctions, avec tout son matériel très bruyant fonctionnant dans une ambiance de vapeurs chaudes et humides, devait donner à monsieur Le Bot l'impression d'un monde en furie. La partie industrielle du groupe ne le passionnait pas. Je crois qu'il avait décidé de laisser le champ libre à l'UFM qui représentait un poids économique de plus en plus important dans l'ensemble Cecab-UFM. Il avait une grande confiance dans les capacités de gestionnaire de F. Collas, mais il commençait à trouver qu'il prenait une place de plus en plus importante, trop importante, alors que parfois il n'était pas mandaté officiellement pour prendre certaines décisions. Il aurait aimé le remettre en place, je suppose, mais il ne voulait en aucune façon entrer en conflit avec celui qui assurait enfin la prospérité de l'une des branches du groupe et redorait son blason aux yeux des banquiers. Il balançait entre son désir de montrer son autorité et son obligation de composer avec lui. Il devait pourtant recevoir quelques plaintes de la CGC au sujet de l'interprétation particulière du règlement intérieur qu'en faisait l'UFM et de certains administrateurs agriculteurs sur les façons de faire de leur directeur qui dirigeait comme si l'entreprise lui appartenait. D'autre part, certains cadres du Crédit Agricole et peut-être monsieur Delion, leur directeur général, et monsieur G. Ardillier chargé du suivi de la Cecab, même s'ils se réjouissaient en public des résultats des conserveries, acceptaient mal que F.Collas les traitent en fournisseurs d'argent, allant jusqu'à les menacer de succomber aux sollicitations d'autres banquiers. Je n'ai pourtant jamais eu vent de remarques faites à ce sujet. J'observais également, lorsque je rencontrais des cadres de la Cecab, qu'ils ne se souciaient pas du tout de l'importance économique et politique que prenait le secteur conserves et que son directeur leur était, pour beaucoup, inconnu. Ils vivaient dans leur bulle, incapables de faire une analyse même grossière des évolutions du groupe. Il faut dire qu'aucune réunion commune n'était organisée à la Cecab, chaque responsable de branche ou de service vivait dans son coin et ignorait donc ce qui se passait réellement dans le groupe. Leurs informations se limitaient aux bruits de couloirs et aux cancans des secrétaires. D'autre part, avec son souci permanent de ne voir personne interférer dans ses affaires, F.Collas ne se faisait pas très abordable, ou plutôt, se faisait invisible autant que possible.

 

Un jour, alors qu'un financier de la Cecab était venu jusqu'à Locminé s'informer des résultats prévisionnels, avec cet air supérieur d'un cadre mandaté par la Cecab, qu'il devait considérer comme étant la maison mère, ce qui lui donnait tous les droits, il avait été reçu par une phrase du genre: " Je n'ai rien à vous dire. Quand le bilan sera sorti, vous pourrez demander les informations que vous souhaiterez à monsieur Naudy, notre expert comptable commun. Monsieur Dutheil, mon comptable, est comme moi très occupé et ne peut vous recevoir. Si vous nous aviez informés de votre souhait de nous rendre visite, j'aurais pu vous dire qu'il était inutile de vous déplacer. Au revoir et bon retour, monsieur". Le ton glacial et ironique a fait immédiatement taire toute velléité d'insister pour obtenir ne serait-ce qu'un chiffre afin de ne pas rentrer bredouille de son petit voyage.

A son retour à Theix, les commentaires du financier n'ont certainement pas du être un encouragement aux visites. Ce jour là, comme d'autres, monsieur Le Bot a dû entendre l'envoyé de la Cecab se plaindre de l'accueil qu'il avait reçu, pourtant, à ma connaissance, sans effets. Je vous rappelle, pour expliquer, peut être, la tolérance du directeur général, que juridiquement l'UFM était indépendante de la Cecab et que celle-ci avait besoin du soutien de l'UFM pour clore honorablement son bilan.

 

Tout au cours de l'année 1980, monsieur Le Bot essaie portant de resserrer ses liens avec F.Collas. Il va jusqu'à lui faire entendre qu'il souhaiterait l'avoir à la Cecab comme adjoint. Il ne reçoit que des réponses floues à ses invitations. F.Collas est débordé de travail malgré l'assistance efficace de ses adjoints et il soupçonne Le Bot de vouloir se servir de lui pour régler des problèmes de plus en plus pressants avec ses administrateurs et obtenir plus facilement des subsides. J'ai appris que les conseils d'administration se passaient dans une très mauvaise ambiance. Certains administrateurs reprochent au directeur général de ne pas les informer suffisamment des affaires et d'autre part ils commencent à ressentir la fragilité de la Cecab et l'importance que prend l'UFM dans le groupe. Ces administrateurs ne sont qu'au début de leur réflexion. Elle ne porte que sur les structures du groupe ou plutôt sur les pouvoirs relatifs des conseils Cecab et UFM. Ce n'est pas encore une réflexion globale.

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