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27 décembre 2008 6 27 /12 /décembre /2008 19:00

- Le 25 février, nouvelle lettre de F. Collas à Monsieur Le Bot dans laquelle il fait la synthèse de tout ce qui ne va pas à son gré à la CGC. Il termine en rappelant qu'il faut avertir le personnel et ses représentants de la décision de transférer la CGC à Theix et le laboratoire central à Locminé. Qu'il faut planifier l'opération avec rigueur. Il sait que Le Bot ne bougera pas, mais ainsi il l'a prévenu qu'il allait s'en occuper.

 

- Note de F.Collas à M. Le Bot, en juin, dans laquelle il revient sur ses critiques de l'organisation commerciale et administrative de la CGC. Entre autre, il écrit:

" J'ai rencontré la semaine dernière tous les commerciaux qui déplorent unanimement la pagaille de la CGC et l'incapacité de Monsieur Lazarus en matière commerciale. Depuis plusieurs mois, je dis et j'écris que l'une des causes, et certainement l'une des plus importantes, de l'inefficacité commerciale vient d'une information défaillante et de son « verrouillage » systématique par le Directeur financier, Monsieur Matricon.

Je vous répète une nouvelle fois qu'il est indispensable de profiter de son déménagement pour redéfinir tous les postes et de ne pas importer en Bretagne la CGC existante.

Il faut mettre fin au contrat de monsieur Lazarus et embaucher un directeur commercial ". Sous entendu: qui n'aura plus rien à faire avec le directeur financier.

 

Avec l'aide efficace de certains cadres qui ont accepté leur mutation et la compréhension des représentants du personnel, F. Collas organise l'opération de transfert de la CGC qui se réalise courant décembre 1982. Madame Guillon, Messieurs Reignier, Wiart et Amed auront participé activement pour que ce déménagement se fasse sans heurts et ont su convaincre les meilleurs éléments de les suivre à Theix et les moins bons ou moins nécessaires de prendre leur dû et de quitter la CGC. Il ne faudra embaucher que quelques secrétaires sur place pour que l'effectif soit au complet.  F. Collas avait décidé de supprimer tous les services qui n'étaient pas impliqués directement dans les actions commerciales: les services agronomiques, investissement, comptabilité analytique, recherche. Les services, informatique, personnel et généraux sont rattachés à ceux de la Cecab malgré l'opposition de monsieur Matricon qui aurait voulu recréer à Theix une CGC autonome dont, bien évidemment, il aurait été le chef. L'effectif total de la CGC, hors commerciaux, sera divisé par trois.

J'ai entendu au moment du déménagement certains employés se plaindre d'avoir dû s'exiler en Bretagne. Je les entendrai plus tard, après une ou deux années passées en Bretagne dire leur plaisir de vivre près de la mer, à deux pas du golfe du Morbihan, sans embouteillages ni métro et de travailler au milieu d'un parc dans des bureaux confortables. Les hommes ont bien de la peine à se projeter dans l'avenir et se montrer raisonnables.

 

- Fermeture et vente du magasin de Rémy. Monsieur Collas en a chargé Monsieur Matricon comme d'une mission pour laquelle il devra faire preuve de doigté et déployer toutes ses qualités de négociateur pour convaincre le personnel de la nécessité de fermer cet atelier et de son sens de l'organisation pour que le transfert se fasse dans de bonnes conditions. Ensuite, il devra vendre les locaux au meilleur prix. Présentée comme une mission de confiance, Matricon s'est rallié au projet sans renâcler et F.Collas s'est ainsi assuré que personne ne viendrait entraver l'exécution de sa décision.

 

La CGC embauche un commercial, élevé dans le milieu de la pêche et de la transformation du poisson. Monsieur Guillemot vient de chez Saupiquet, il est en fin de carrière. J'espère qu'avec son expérience, il aura le temps de donner du dynamisme aux ventes de poissons.

 

- Création d'un atelier de plats cuisinés à Locminé. L'ouverture de cet atelier est indispensable. En effet l'usine de Moyenneville qui approvisionnait la CGC en plats cuisinés ferme ses portes.

La CGC doit continuer à commercialiser des plats cuisinés même si elle n'a jamais su imposer sa marque d'Aucy dans cette gamme de produit. Certains clients ont pourtant pris l'habitude de commander des plats cuisinés à la CGC en complément de leurs commandes de légumes, il serait donc regrettable de ne plus pouvoir les livrer. De plus ce serait perdre un savoir-faire du groupe, en effet, des laborantins de la CGC connaissent bien la fabrication de ces produits. Monsieur Ripault, le directeur du laboratoire central, se fera une joie de faire étalage de son savoir et d'initier les gens de l'UFM.

D'autre part, ces fabrications permettront à l'UFM :

    - de garder une activité durant toute l'année et donc d'amortir une partie du matériel sur douze mois, alors qu'une usine de conserves de légumes ne tourne à plein que cinq ou six mois de l'année,

    - d'augmenter le nombre d'ouvriers permanents et d'avoir ainsi un meilleur encadrement des saisonniers au moment des campagnes légumières,

    - de garder une activité hors saison, nouvelle et intéressante, même si elle est réduite, pour que les cadres puissent souffler, mais sans perdre de temps,

    - de donner une activité complémentaire au magasin,

    - de générer des marges supplémentaires.

Cette décision est prise par F. Collas sans que la Cecab en soit informée. Qui ça intéresserait ? Le président est averti. Cela ne concerne pas les légumiers, ils n'y attachent donc pas d'importance.

 

- En juin, nouveau courrier de F. Collas à son D.G.  De plusieurs pages. Ce courrier est une information de certains problèmes courants de la CGC ou de la Cecab pour que Le Bot ne puisse pas dire qu'il agit sans l'informer. En toile de fond, il fait état de ses difficultés avec M. Matricon dues au flou des fonctions du directeur financier. M. Le Bot, qui s'évertue à maintenir ce flou, applique la vieille recette: diviser pour régner. En lisant ce courrier on sent son exaspération provoquée par de telles méthodes.

- En septembre 1982, il fait part à monsieur Le Bot d'une lettre qu'il veut lire aux membres du bureau de la Cecab. Quelques cadres supérieurs assistent à ces réunions. Cette lettre, il le sait, ne manquera pas de mettre le D.G. dans l'embarras, car il l'écrit en temps que directeur général adjoint alors que sa nomination n'a jamais été rendue officielle auprès du personnel. Cette lettre rappelle aux administrateurs, que certains d'entre eux se plaignent de ne pas avoir été suffisamment consultés pour la nomination du directeur général adjoint, qu'il n'a accepté ce poste qu'à la demande pressante de monsieur Le Bot pour qu'il le remplace après son départ à la retraite et que si sa nomination ne leur convient plus, il quittera la Cecab sans regret. (Pour regagner l'UFM. il ne leur dit pas, mais c'est bien entendu. Son contrat le prévoit). M. Le Bot se demande certainement avec une jubilation mêlée d'inquiétude comment les administrateurs vont réagir. Pourtant la lecture de cette lettre n'a pas attiré de commentaires ni de l'un, ni des autres, mais il sait que l'un va cogiter sérieusement et que les autres attendront d'être seuls pour en parler. Seuls les cadres présents ont échangé des coups d'œil montrant leur étonnement de cette situation.

 

- Le 05 novembre 1982, M. Collas est nommé officiellement Directeur Général Adjoint du groupe CECAB. L'accord avait été donné, je vous le rappelle, par les membres présents du bureau du conseil Cecab le 16 octobre 1981 et celui du conseil d'administration Cecab le 12 octobre 1981. Il est précisé dans ce document les fonctions exactes de Monsieur Collas et les conditions financière de sa collaboration. Il a obligé M. Le Bot à officialiser ce document en précisant que F. Collas serait nommé co-directeur général à compter du 1er juillet 1984 des différentes sociétés du groupe et deviendrait le directeur général du groupe Cecab le 1er janvier 1985. Ce document a été signé par les membres du GIE groupe CECAB et par le président de l'UFM.

 

Monsieur Collas a exigé ce document officiel pour affermir sa position auprès des administrateurs et des cadres, pour clarifier son avenir et pour faire cesser les ambiguïtés cultivées par le D.G pour l'opposer au directeur financier. En effet, celui-ci continuait son jeu de sape habituel, poursuivant son rêve de vingt ans de gravir la dernière marche vers le pouvoir après sa nomination de directeur financier du groupe avec l'accord, il ne le sait pas, de F.Collas. Il a oublié que Collas n'est pas du même bois que Lazarus et ses prédécesseurs. P.Le Bot, lui, sentant la Cecab sur la voie du redressement se disait que contrairement à son souhait, annoncé, de quitter ses fonctions fin 1984, il lui serait agréable de continuer à occuper son poste devenu confortable, sans en assumer les charges. Collas faisant le travail et Matricon, en cas de révolte, pouvant faire usage de roue de secours. Tout au moins faisait-il semblant de le croire. P. Le Bot se plaisait à présenter M. Matricon à des étrangers devant des cadres du groupe, de préférence lorsque F. Collas était présent : « Monsieur Matricon, Directeur Général Adjoint financier ». Titre qui ne lui avait jamais été attribué évidemment. Les administrateurs, qui n'aimaient pas « le parisien » ne l'auraient pas accepté.

 

Cette nomination est la suite d'une mise au point qui a été brutale. Un énième incident en a été le déclencheur. F.Collas a menacé de quitter le groupe sur-le-champ si les clauses de son contrat de 1981 n'étaient pas respectées et si le petit jeu de balance des responsabilités entre le D.G. Adjoint et le directeur financier ne cessait pas immédiatement. M. Le Bot réagit en menaçant de convoquer les présidents de la Cecab et de l'UFM pour leur faire part de son « chantage ». Il pense que l'intimidation suffira. La réaction est immédiate: « Faites monsieur, je vous souhaite bien du plaisir », lui dit-il sur un ton moqueur chargé de menaces, en se dirigeant vers la porte. Aussitôt Le Bot, qui ne s'attend pas à cette réplique, comprend l'impasse dans laquelle il s'engage sans appuis. Il réfléchit rapidement. En effet, il ne peut compter sur le conseil avec qui il a des rapports tendus, d'autre part le groupe peut-il se passer de F.Collas qui, de plus, a un contrat manuscrit qu'il ne peut contester impunément. Revenir à la raison est sa seule solution. Sa toile est crevée, la proie est trop grosse et vigoureuse. « Allons, allons, ne le prenez pas ainsi, je vais faire le nécessaire pour officialiser votre situation, laissez moi un peu de temps ». Mortifié, mais pragmatique.  A partir de ce jour, je pense inutile de vous dire la fraîcheur de leurs relations, pourtant courtoises et même respectueuses en apparence quand F.Collas s'adressait à son directeur général en présence de tiers. Personne ne pouvait se douter de la fracture qui éloignait maintenant ces deux hommes.

Il m'a raconté cet entretien en riant d'un rire un peu crispé, les yeux froids, bleu gris, couleur d'orage. Je lui ai fait remarquer qu'il aurait pu mal tourner pour lui. « Vous croyez? En admettant cette possibilité, eh bien je serais aller offrir mes services ailleurs, je n'aurais regretté que l'UFM et les gens qui y travaillent ». C'est ce qu'il m'a répondu, pourtant je sais son attachement profond au groupe conserves, à ses hommes surtout. Avant d'accepter de les quitter, il ne pouvait que se battre en s'appuyant sur ses résultats que personne ne pouvait contester, sur les administrateurs de l'UFM dont il avait la confiance et l'amitié pour la majorité d'entre eux, et sur son contrat qui prévoyait des indemnités importantes.

Curieusement, il n'en veut à P.Le Bot que d'avoir essayé de le rouler. Il est vexé qu'il ait pu penser pouvoir le duper, pas qu'il ait tenté de rester en place plus que prévu. Pour cela, il ne lui reproche que son manque de franchise. S'il avait été correct, un accord aurait été trouvé. Cela aurait évité de laisser Maticon rêver et à tous de s'user en querelles. Il reconnaît au D.G. la sagesse d'avoir eu la capacité d'accepter une paix provisoire, alors qu'il semble souvent plus facile de faire la guerre.  F. Collas ne souhaite avoir le pouvoir que pour agir rapidement dans l'intérêt du groupe. Il se moque des titres et des honneurs. Il méprise ces glorieux qui font étalage de leurs fonctions, très importantes à leurs yeux évidemment, qui doivent leur valoir la considération de tous. Dans le groupe il y a, à des degrés divers, de ces suffisants qui aiment se mettre en avant. Leur suffisance est en général inversement proportionnelle à leurs capacités.

Il est inutile que je vous dépeigne la mine de monsieur Matricon quand il a appris la confirmation des fonctions de F. Collas. Pourtant après une conversation sérieuse où les points sur les i ont été mis sans détours, leurs rapports sont devenus convenables, sinon amicaux. Matricon a compris qu'au moindre dérapage il regagnerait ses pénates, à son âge ce n'était pas souhaitable.


M. Laudrin, entré à l'UFM en 1972 ou début 73 comme stagiaire au service culture, était devenu l'un des adjoints de F. Collas. Il le remplace à la direction de l'UFM. C'est un homme brun de cheveux, à la peau claire et aux yeux bleus, de ces yeux bleus des gens bruns de cils et de sourcils. Une tête de breton aux pommettes hautes, au nez fort. Il est encore jeune, environ trente cinq ans, sportif, amateur de cyclisme comme beaucoup de jeunes de la région. Fortement charpenté, un peu lourd, mais sans être "doublé" comme il est dit en Bretagne des hommes forts, très larges. C'est un homme intelligent, précis, organisé, travailleur, mais d'une timidité presque maladive, ce qui peut le rendre désagréable, ses mots dépassant parfois sa pensée.  De parler lui coûte. Quand, vainquant sa timidité il parle par obligation, c'est avec une grande économie de mots. Son débit est saccadé, d'une voix un peu rauque. C'est un taiseux. Ingénieur agricole, il manque de connaissances industrielles, mais nous avons pris la précaution de lui laisser comme adjoint Monsieur G.Plunian qui est un chef d'usine remarquable. Ce tandem devrait savoir bien mener l'UFM. Plunian n'apprécie pas la nomination de Laudrin. Il faudra que M. Collas s'entretienne longuement avec lui pour qu'il accepte cette situation. Je saurai plus tard qu'il avait évoqué avec lui ses projets dans le Sud-Ouest et le rôle qu'il pourrait y jouer.

 

M. Le Beau qui était le chef d'usine du temps de monsieur Andrin prend la direction de la Conserverie Morbihannaise à Lanvenegen avec Monsieur Legal comme directeur administratif. Monsieur Legal est un excellent administrateur. Vieux garçon, il est chez lui dans cette usine et ne compte pas son temps. Un détail qui montre la confiance que F. Collas lui accorde: il lui fait remplir sa déclaration d'impôts, en lui donnant accès à tous ses comptes pour que les choses soient parfaitement claires aux yeux du groupe. Il a fait en sorte que cela se sache. Il se méfie pourtant des racontars, des rumeurs de couloirs qui peuvent faire le tour du groupe à une vitesse incroyable et en troubler l'ordre. Il n'en use qu'avec modération, après avoir prévenu ses proches.

Il sait bien qu'une information diffusée par une secrétaire sur une décision possible, concernant le personnel par exemple, permet de lui tâter le pouls, d'éviter les réactions négatives d'une information brutale et de mieux ajuster le tir.

 

- Fin novembre 1982, première réunion des cadres du groupe organisée par M. Collas, à laquelle je participe. Depuis sa création le directeur général n'a jamais réuni ses cadres en réunion. Ces réunions deviendront, début 1985, systématiques, au moins tous les deux mois.

Cette première réunion n'a pas été un franc succès.  F. Collas n'était pas familier de ces réunions, il était technicien, organisateur, pas orateur et de dire que maintenant il allait falloir se retrousser les manches, que seuls les résultats comptaient et que ceux qui n'acceptaient pas ses méthodes feraient mieux de quitter le groupe rapidement, n'a pas favorisé une ambiance très chaleureuse.

Avec le Directeur Général, à l'avenir, ce seront donc quatorze personnes qui se retrouveront ainsi tous les quarante jours environ pour que les responsables de division ou de grands services soient informés avec exactitude de ce qui se passe dans le groupe, pour que F. Collas puisse réaffirmer la politique générale du groupe et ses principes de fonctionnement, mais aussi et surtout, pour que les responsables puissent donner leur avis, critiquer ses analyses, critiquer les projets à l'étude et faire des propositions.

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