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29 décembre 2008 1 29 /12 /décembre /2008 17:22

Le mouvement coopératif

La C.E.C.A.B. (CEntrale Coopérative Agricole Bretonne) est un regroupement de coopératives qui a des filiales de droit commun. Les chiffres d'affaires et les résultats financiers de ces filiales sont très supérieurs à ceux de leurs maisons mères à statut coopératif. Je reviendrai ultérieurement sur le groupe Cecab après vous avoir rappelé les origines du mouvement coopératif et quelques-unes unes de ses règles de fonctionnement.

Le mouvement coopératif, est fondé sur l'association volontaire de personnes, d'agriculteurs pour la Cecab, afin d'organiser une activité économique répondant à leurs intérêts partagés. Cette nouvelle sorte de société est basée sur une gestion égalitaire et un partage équitable des profits.

Le mouvement coopératif, apparu au XVIIIe siècle en Grande-Bretagne, occupe une place importante dans les économies des pays développés. Cependant, confronté à la concurrence des entreprises capitalistes classiques, le secteur coopératif, surtout lorsqu'il a une activité  industrielle et commerciale dominante, a de plus en plus l'obligation de transformer son mode de gestion. Ses réformes successives, même si elles sont lentes, font perdre cet esprit de solidarité qui était la base de ce mouvement, sans lui apporter le dynamisme économique propre aux sociétés capitalistes. Ces mutations entreprises sans une détermination suffisante, dans un contexte de compétition acharné et mondialisé, risquent d'être fatales pour ce mouvement humain et généreux.

Toutes les coopératives poursuivent un même but : satisfaire leurs membres par la mise en commun des moyens leur permettant de dépenser moins pour produire et d'écouler leurs productions à un prix leur permettant de vivre de leur travail.

Dans le secteur agricole, les adhérents de la coopérative de transformation et de commercialisation fournissent les matières premières, en l'occurrence les récoltes réalisées par chacun. Ils livrent leurs produits au prix le plus élevé possible, dépendant du marché et de l'efficacité de la coopérative, pour un coût de revient le plus faible possible grâce aux services que peut leur apporter leur coopérative:

- services agronomiques compétents pour diffuser les meilleures techniques de production,

- achats groupés de tous les produits de base nécessaires à l'agriculture,

- services techniques pour concevoir et monter leurs dossiers d'investissement,

- services comptables et fiscaux etc...

 

A son origine, le mouvement coopératif fut fortement inspiré par un socialisme chimérique. Il correspondait à la recherche de nouvelles formes d'organisations économiques et sociales et à la remise en cause du système capitaliste porté par la révolution industrielle. Dans un premier temps, il a eu des effets très bénéfiques. Cette nouvelle forme de société aurait dû rapidement évoluer, ce qu'elle n'a su faire qu'avec trop de lenteur et incomplètement, dans un pays comme la France où l'idéologie socialiste conservatrice est très présente dans beaucoup d'esprits peu familiers de l'économie. Il faut dire que le capitalisme et le libéralisme n'ont pas su ou voulu montrer leurs valeurs. Personne n'a donc été poussé à analyser le fonctionnement de la coopération et faire sauter ses verrous idéologiques néfastes. La mondialisation économique va se charger du grand nettoyage des idées reçues en balayant tout, le bon comme le mauvais. Il aurait été préférable de s'y préparer pour garder des valeurs humaines intéressantes qui faisaient la grandeur de l'esprit coopératif.

Pour des penseurs comme Charles Fourier (1772-1837) , la coopérative devait être la base d'une société nouvelle égalitaire et harmonieuse en vue de procurer à chacun le bien-être par un travail attrayant et librement consenti. Beau programme ! Nous connaissons tous certains pays où ce programme a été appliqué à la lettre. En France, certaines coopératives, dans lesquelles ce programme a été appliqué sans rigueur économique, ont fait le malheur des salariés et des sociétaires.

Le mouvement coopératif séduisit également les partisans du catholicisme social. Ces bons esprits faisaient et font encore la confusion entre le christianisme et le socialisme. Mon curé aussi. De nombreuses coopératives, parfois très importantes, ont été créées à l'instigation du clergé local, émus à juste raison de la vie précaire des petits agriculteurs qui étaient leurs ouailles. Cela a été la première phase, positive celle là, de ce mouvement.

 

Le Danemark joua un rôle de pionnier en matière de coopératives agricoles, suivie par la Grande Bretagne, puis par le reste de l'Europe.

L'adhésion à une coopérative est volontaire et accessible à tous, sans discrimination. Le coopérateur acquiert des parts sociales en fonction des services rendus au groupement ou des apports de matières premières comme dans le cas de la Cecab. Ce groupement traite les produits et les vend. Tous les membres participent sur une base égalitaire et démocratique à la gestion de l'entreprise. Ceci reste très théorique. Chacun dispose d'une voix, quel que soit le nombre de parts ou d'actions qu'il détient. De même, les bénéfices éventuels, qui ne sont pas réinvestis dans l'entreprise, sont partagés équitablement, c'est à dire sans considérer le volume des apports. Ce qui ne manque pas de faire grincer les dents de certains.

Évidemment certaines coopératives tournent ces principes pour ne pas perdre leurs agriculteurs les plus performants en pratiquant la méthode des ristournes quantitatives, souvent, qualitatives, parfois. Ces procédés peuvent ouvrir les portes à des inégalités de traitements, peu avouables, avantageant les membres les plus influents ou les administrateurs. C'est une des nombreuses failles d'un système qui veut oublier que les hommes ne sont pas naturellement égalitaires et que chacun souhaite être privilégié, même au détriment des autres. J'ai failli écrire " surtout" à la place de "même".

Les consommateurs perçoivent des ristournes proportionnelles aux achats effectués en gros par leur coopérative. Il est évident qu'achetant en grande quantité, les coopératives ou groupements d'achats peuvent obtenir de leurs fournisseurs des prix plus bas que si chaque agriculteur traitait pour son compte. Ces groupements d'achats ont une bonne connaissance du marché et ils peuvent négocier des ristournes quantitatives importantes. Elle peut donc convenir de ristournes sur les prix tarifs avec chaque sociétaire, quelles que soient les quantités achetées. Les pratiques sont souvent bien différentes du principe.

L'esprit coopératif repose enfin sur l'idée de la responsabilité sociale des membres. L'outil économique appartient à la collectivité. Il est valorisé collectivement. Le dernier principe fondamental est celui des " réserves impartageables ". Lorsqu'un sociétaire quitte la coopérative, (il est toujours libre de le faire), il ne peut pas vendre ses parts au plus offrant comme dans une autre entreprise, mais celles-ci lui sont remboursées à leur valeur nominale. Des réserves spécifiques peuvent néanmoins être constituées afin de pallier la perte de pouvoir d'achat qui en résulte à cause de l'inflation. Ainsi ses parts sociales lui sont rachetées en euros constants. Les coopérateurs ne s'enrichissent donc pas par la valorisation du capital qu'ils ont investi.

 

L'ensemble du mouvement coopératif a dû, au cours des dernières décennies, en raison des évolutions de l'objet des coopératives, s'adapter à un contexte extrêmement concurrentiel, perdant l'essentiel de son identité et son coté socialo utopique, radieux mais irréaliste.

Regroupées en de puissantes unions de coopératives, comme la CECAB, une partie d'entre elles a adopté des stratégies commerciales audacieuses. Elles ont créé des marques (d'Aucy entre autres pour la CECAB) qui ont su s'imposer sur le marché de l'agroalimentaire, à tel point, que ce sont aujourd'hui des unions de coopératives françaises qui détiennent les premières places dans le secteur des produits laitiers, de la viande de porc et de volailles, de la conservation de légumes en surgelé ou en appertisée. Les coopératives agricoles réalisent aujourd'hui, en 1998, 30% du chiffre d'affaires de l'agroalimentaire français et dans certains secteurs plus de 50%.

Pour prendre une telle place, il a fallu surmonter un handicap caractéristique des entreprises coopératives. Généralement, elles ne disposent pas suffisamment de fonds propres. En effet, si le capital apporté par les sociétaires peut être suffisant dans une coopérative d'approvisionnement traditionnelle, il est très insuffisant dans les coopératives industrielles et commerciales demandant de gros investissements.

Pour résoudre ce problème, les coopératives ont deux solutions:

- Soit, elles doivent être capables, par une gestion rigoureuse, de générer suffisamment de fonds propres grâce à de bons résultats financiers qu'elles ont la sagesse de ne pas redistribuer aux sociétaires. Ces bons résultats financiers permettent d'accéder aux crédits bancaires, du Crédit Agricole, en particulier, qui a su être un véritable partenaire du mouvement coopératif.

- Soit, elles doivent trouver des capitaux à l'extérieur. En 1972, le législateur a autorisé les coopératives agricoles à recevoir des capitaux extérieurs, dans la limite de 35% du capital de l'entreprise. Cette disposition a été généralisée à l'ensemble du mouvement coopératif par la loi de 1992, réformant le statut de la coopération.

Cette disposition n'est pas ou peu employée par les coopératives les plus performantes, soucieuses de leur indépendance, qui savent générer suffisamment de fonds propres.

Cette disposition autorisée a été également une première entorse faite au principe d'égalité : les associés non coopérateurs disposent d'un nombre de voix proportionnel aux parts qu'ils détiennent. Surtout, le seul intérêt que ceux-ci peuvent trouver à investir des capitaux dans une coopérative étant le profit financier qu'ils en escomptent, le principe d'une rémunération limitée de l'argent a également été remis en cause. Ces associés extérieurs sont prioritaires dans le partage des bénéfices et leurs apports financiers sont mieux rémunérés. On imagine aisément les problèmes que cette disposition peut entraîner avec les coopérateurs fondateurs de leur coopérative.

L'accent mis sur la performance économique a entraîné, dans le secteur agricole, un développement des filiales de droit commercial classique et des filiales industrielles, au statut de sociétés anonymes, pour transformer les productions des agriculteurs. D'autre part plusieurs coopératives peuvent mettre en commun leurs actifs industriels dans une société de capitaux ou passer des accords de partenariats avec des entreprises capitalistes.

 

Peu à peu s'estompent ainsi les différences entre les sociétés coopératives et les entreprises capitalistes dans lesquelles le respect des hommes passe souvent après les résultats financiers dans leur préoccupation. On peut le regretter, mais il faut être réaliste, les coopératives telles qu'elles existent encore devront rapidement évoluer ou disparaître. L'évolution est déjà entérinée par les législations de la plupart des pays développés, qui tendent à rapprocher les statuts des unes et des autres.


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